Benoit est la dernière formule qui marche de l'empire Ducasse, récemment devenu monégasque, abandonnant ainsi sa nationalité française. Alors, derrière la polémique qui fait jazzer, ça vaut le coup de manger typiquement français chez Ducasse à Tokyo ?

Quand on arrive au dernier étage de cet immeuble d'Aoyama, on trouve donc ce bistrot chic, où les moulures, le bar et les boiseries ont été importés de France, et où il vaut mieux se donner des airs et faire dans les bonnes manières. Si le français trouvera le décorum un rien "kitsch" mais réhaussé d'éléments modernes, il semblerait que les nippons, eux, adorent. Encore une fois, au pays de l'image, le charme surannée d'une "vieille France" est toujours d'actualité...

On est d'abord rapidement pris en main par un sens du service qui sait vous mettre à l'aise, et, cerise sur le clafoutis, est français d'origine. A la bonne heure ! Chez Benoit donc, une partie du staff est 100 % français, et semble avoir pris le pli nippon. Des sourires, beaucoup d'amabilité, et ce petit plus, qui sait arrondir les angles sans en faire trop. Où est donc passé le légendaire esprit parisien ?

Et bien, l'esprit parisien, on le retrouve simplement dans les assiettes, où sur les miroirs, qui servent d'ardoise à plat du jour. Les formules sont assez nombreuses (comptez 6500 Yens pour la première formule: Entrée, plat, dessert, café), et permettent de choisir au mieux. La carte joue du classicisme et sait varier les gammes. C'est très "franchouillard" mais les effets dans l'assiette sont d'inspiration élitiste. Asperges blanches et sauces aux morilles, Tournedos Rossini et foie gras, pommes boulangères, réduction d'une périgueux... On est bien en France.

Belle carte des vins, simples, et bon conseil du sommelier, qui nous aiguillera vers un bourgogne au tarif assez doux (11.000 Yens) et parfaitement adapté au repas. Service avenant, et timing parfait. Belle présentation générale, et goût limpide et harmonieux. Produits parfaitement cuisinés, pour une recherche et une alchimie bien pesées. Desserts classiques (clafoutis aux cerises et formule parisienne) mais impeccables. On est bien chez Benoit, et on mange bien. Très bien. Sans se sentir complètement à Paris (service feutré, avenant, précis et très souriant), on nage dans des eaux très calmes, loin du tumulte, des bruits et du mouvement propres aux brasseries. C'est peut être ça qui manque, cette âme, ce service typique, et le phrasé insolent des garçons de café. Mais Tokyo n'est pas encore Paris, pas encore.